SYLVIA PIRES DA ROCHA

Formée à la photographie dès le lycée, puis diplômée en arts plastiques avec une spécialisation en photographie et art contemporain de l’Université Paris 8, l’artiste vit et travaille à Nantes. Mon parcours débute dans l’image fixe, où je développe une sensibilité particulière à la lumière et aux transformations chimiques des matériaux. Ma pratique en photographie argentique, axée sur les interactions entre révélateurs, films et lumière, nourrit une réflexion sur la métamorphose des éléments sous l’effet des processus chimiques.

Lors d’une résidence au Brésil, dans la forêt de Boicuganga, j'opère une transition vers la céramique, découvrant une nouvelle manière d’explorer ces transformations, cette fois par le feu et les émaux. La peinture sur faïence devient mon médium privilégié, un moyen d’explorer mes racines luso-descendantes tout en adoptant une approche contemporaine. À travers les émaux et le feu, je poursuit mon exploration de la transformation des couleurs et des textures, un processus qui rappelle les révélations photographiques opérées par la chimie.

Ma démarche artistique s’inscrit dans un univers où paysages et scènes se mêlent à l’onirique, donnant naissance à des compositions denses et détaillées. Chaque œuvre invite à la contemplation, offrant une dérive visuelle où les échelles se transforment et la lumière façonne des mondes à la fois familiers et lointains.

Je cherche à provoquer des déplacements dans la perception, entraînant le spectateur dans un voyage sans destination précise. À travers le jeu sur la profondeur et les sensations visuelles, j’évoque un passage entre l’intime et le monumental, où les éléments, tout en restant reconnaissables, deviennent déstabilisants. Les personnages, parfois flous, parfois éphémères, se fondent dans des paysages où textures et formes semblent prolonger l’âme humaine. Chaque scène devient une exploration de la relation entre l’individu et son environnement, un lieu où l’ordinaire se mêle à l’extraordinaire, et où la réalité se fracture pour offrir une expérience intense et fugace.

L’interaction entre lumière et matière joue un rôle essentiel dans mon travail. J’explore la magie des jus d’oxydes et les mystères de la cuisson, qui engendrent des transformations maîtrisées mais aussi imprévisibles. Chaque couche d’émail, chaque réaction chimique pendant la cuisson, devient une extension de ce déplacement visuel, où la matière se transforme en un terrain mouvant où le visible et l’invisible s’entrelacent.

La majolique et l’utilisation des carreaux de faïence occupent une place centrale dans cette exploration. Ces carreaux, tout en étant autonomes dans leur forme, s’intègrent dans une œuvre en perpétuelle évolution. Certains fragments peuvent se détacher du tableau pour s’étendre dans l’espace, brisant ainsi les frontières du cadre et offrant une extension physique de l’œuvre. Cette intervention permet de repousser les limites en invitant à redéfinir notre relation à l’espace et à la perception du temps. L’extension dans l’espace fait écho à la fluidité et à la nature changeante de la perception que je cherche à explorer.

Lauréate du programme Passer le Mur à la Caserne Mellinet à Nantes, J'ai collaboré avec la céramiste Marie Hulbert sur le projet interdisciplinaire Terres de Rencontres. Mon travail a été présenté dans des expositions en France, au Portugal et au Brésil, et repéré lors de l’événement Carré sur Seine. Je suis également suivie par le programme SAMOA, la fabrique urbaine de l’île de Nantes. En 2023, J'ai  présenté Fragments, une commande publique à Challans, et réalisé une installation Prairie au Duc sur l’île de Nantes. J'ai également assuré la direction artistique de l’exposition collective Construire Déconstruire à l’Espace Tour d’Auvergne à Nantes.

Son parcours s’enrichit également par une expérience significative dans l’enseignement supérieur, où j'ai mené des actions interdisciplinaires liant arts et sciences. En collaboration avec le Théâtre Universitaire de Nantes (TU), J'ai initié des projets mêlant artistes du spectacle vivant et chercheurs, visant à faire entendre une parole dans l’espace public et à tisser des liens entre les différentes disciplines. Cette démarche a donné lieu à des recherches approfondies et à la publication d’articles, qui ont été retenus pour des congrès en France, au Canada et en Suisse. Ces actions, menées pendant six ans, ont été un terrain d’expérimentation nourrissant ma pratique artistique et établissant un dialogue constant entre l’art, la science et la société.

Influencée par la pensée de John Dewey, je conçois  l’art comme une expérience vivante et transformative, capable de renouveler notre perception de l’environnement. Dans chaque œuvre, lumière et matière se rencontrent pour créer une immersion poétique. Chaque pièce devient un point de fuite, un instant suspendu, invitant à réinventer la manière dont nous percevons nos mondes intérieurs et extérieurs